Juliette

On a parfois voulu résumer Juliette à une question d’époque ou à une affaire de casting. Dans un paysage musical féminin où les nymphettes taillées sur un modèle standard sont légion, Juliette fait figure de trublion(e) : sa personnalité plantureuse et son répertoire tout en gouaille ont fini par s’imposer au sein d’une concurrence en jupe courte. On a beaucoup écrit çà et là qu’elle incarnait une éternité intemporelle de la chanson française. Mais, il en faut plus pour impressionner Juliette, dont l’énergie sur scène est digne de ses inspiratrices, Fréhel, Piaf ou Mistinguett. Et quand vient le moment de dessiner un bilan parce qu’arrive un anniversaire symbolique — trente ans de carrière, c’est imposant — on réalise qu’il s’agit surtout de bien autre chose : une artiste riche et plurielle qui n’a cessé de se montrer différente. Littérature, contributions musicales, adaptations d’oeuvres, émissions de radio, lectures au théâtre, apparitions au cinéma ou mises en scène de confrères aimés, rien ne lui fait peur. Et, au bout du compte, elle reste l’exigeante créatrice d’une oeuvre torrentueuse, instinctive, aussi généreuse que gourmande, aussi intelligente que folle.